Bienvenue dans ma série “Artistes célèbres” ! Vous ne m’en voudrez pas de commencer par mon artiste préféré ? On ne le présente plus : Léonard de Vinci est principalement connu pour ses chefs-d’œuvre tels que “La Joconde” et “La Cène”. Mais son talent ne se limitait pas à la peinture à l’huile ou aux fresques monumentales, à l’ingénierie ou encore à l’architecture. En tant qu’artiste polyvalent et génie de la Renaissance (autrement dit, un polymathe), De Vinci a également exploré le dessin lavé et les techniques préparatoires à base d’eau, qui préfigurent certains aspects de l’aquarelle moderne.
À travers cet article, je vous propose de découvrir comment ce génie artistique a posé, sans le savoir, quelques jalons techniques et esthétiques qui inspireront plus tard les aquarellistes.
Au sommaire :
1. Les premiers pas de Léonard dans les techniques à base d’eau
Léonard de Vinci a très tôt utilisé des dessins à la plume ou à la sanguine rehaussés de lavis, c’est-à-dire des applications de pigments dilués dans l’eau pour créer des ombres, des volumes et des atmosphères. Cette technique, appelée “dessin lavé”, était fréquente à la Renaissance et servait souvent aux études botaniques, aux croquis d’ingénierie ou aux recherches anatomiques.
S’il n’a pas pratiqué l’aquarelle au sens strict comme on l’entend aujourd’hui (pigments transparents liés à la gomme arabique), ses dessins montrent déjà une maîtrise subtile de la transparence et du modelé par l’eau.
Les analyses scientifiques sur ses peintures inachevées ont mis en lumière que De Vinci utilisait aussi cette technique dans les premières couches de ses tableaux à l’huile, notamment pour faire un modelé des corps. Dans certains cas, il utilisait des teintes bleutées ou brun rouge pour esquisser les formes et structurer la lumière. (pour en savoir +)
2. Techniques et innovations
L’un des aspects les plus fascinants du travail de Léonard est sa capacité à rendre la lumière et la profondeur avec très peu de moyens. À travers ses lavis, il superpose des couches diluées pour suggérer les ombres et le relief, dans un esprit très proche de celui de l’aquarelle.
Il est également connu pour avoir développé la technique du sfumato, cette manière d’estomper les contours pour donner des transitions douces et subtiles. Si cette technique est surtout célèbre en peinture à l’huile, on la retrouve dans ses dessins à la sanguine ou au lavis — parfois estompés du doigt, comme l’ont montré des analyses récentes (des empreintes digitales ont été retrouvées sur certaines feuilles !).
3. Impact sur l’art de la Renaissance
Même s’il n’a pas pratiqué l’aquarelle au sens moderne, Léonard de Vinci a inspiré toute une génération d’artistes par son approche de l’observation et du dessin. Il a contribué à donner au dessin préparatoire et au lavis une place de choix dans le processus artistique, au même titre que la peinture.
Son influence s’est ressentie sur de nombreux artistes, dont Albrecht Dürer, son contemporain, qui lui, a véritablement élevé l’aquarelle au rang d’art majeur. Ce dernier a d’ailleurs voyagé en Italie, où il a sans doute été marqué par l’approche scientifique et sensible de Léonard.
4. Les œuvres notables
Parmi les œuvres les plus remarquables de Léonard dans ce domaine, on trouve ses études botaniques (comme ses dessins de chardons, d’iris, ou de racines), ses études anatomiques, ou encore ses plans d’architecture et de machines.
Ces œuvres ne sont pas des aquarelles à proprement parler, mais elles utilisent des techniques de lavis ou de rehaut aquarellé qui montrent une grande finesse et une sensibilité à la lumière digne des aquarellistes modernes.
5. L’Héritage de Léonard dans l’aquarelle
Léonard n’a pas laissé un corpus d’aquarelles comme l’ont fait Dürer, ou Turner. Mais il a, par sa démarche, préfiguré l’esprit de l’aquarelle : une alliance de précision scientifique et de légèreté picturale, une recherche de l’épure, du geste juste et de la transparence.
Son influence se fait sentir dans la façon dont les artistes des siècles suivants ont conçu l’étude d’après nature et la peinture sur le vif.
La grâce maîtrisée : Léonard et l’idéal de la ”sprezzatura”
Léonard de Vinci incarne à sa manière un concept essentiel de la Renaissance : la sprezzatura. Formulé par Baldassare Castiglione dans Le Livre du Courtisan (1528), ce terme désigne l’art de la désinvolture maîtrisée — cette capacité à faire paraître naturel et facile ce qui exige, en réalité, une immense rigueur et un travail invisible (…à l’image de la maitrise de l’aquarelle, irrémédiablement !).
Contemporains et figures emblématiques de l’humanisme italien, Léonard et Castiglione partagent une même vision de l’homme accompli : cultivé, polyvalent, subtil et sans ostentation. Même si Léonard n’emploie jamais ce mot, il en incarne l’essence, sans aucun doute !
Ce n’est sûrement pas par hasard que François 1er était son protecteur. D’ailleurs, petite parenthèse, saviez-vous qu’un passage secret reliait le château d’Amboise au Clos Lucé ? Dommage qu’il soit en partie effondré, je l’aurais bien visité !
Dans les œuvres de Léonard, la technique s’efface au profit de la grâce : le sfumato crée des transitions imperceptibles, ses lavis suggèrent la lumière sans jamais l’imposer, et sa science se fond dans une esthétique de la légèreté. Cette maîtrise tranquille — cette virtuosité discrète — fait de lui un modèle intemporel, encore aujourd’hui. La classe à l’italienne, jusqu’au bout des pinceaux !
Conclusion
Léonard de Vinci n’a pas été un aquarelliste connu au sens technique du terme, mais il a incontestablement exploré des voies picturales qui ont ouvert la voie à ce médium. En tant qu’artiste aquarelliste, s’inspirer de sa finesse d’observation, de sa maîtrise du lavis, et de son goût pour l’exploration peut nous offrir des clés précieuses.
Il reste une source d’inspiration inépuisable pour tous les artistes, et pour ceux qui aiment voir la technique au service de la poésie. Alors, ne faisons pas comme son maître Verrocchio… à nos pinceaux !
Et pour parfaire vos connaissances de Léonard de Vinci, pourquoi pas, une visite en Touraine au Manoir du Clos Lucé ? Le paradis des afficionados…
